Le siège de Maubeuge

 

Remonter Les troupes

durant lequel mon arrière-grand-père, Arthur VOLOIR, sergent au 4e RIT, fut fait prisonnier et envoyé en détention dans le camp de Friedrichsfeld, en Rhénanie.

 

Vers le plan du site

 

 

Lorsque l'on cherche des renseignements sur la Grande Guerre, on peut trouver toutes sortes de livres, sur les poilus des tranchées, sur les grandes batailles, telles la bataille de la Marne ou celle des Flandres, mais très peu d'éléments sur les prisonniers, civils ou militaires, sur le sort des populations des zones envahies, ou sur certaines batailles, très localisées, comme celle de Maubeuge. Je vais essayer, sur cette page, de vous présenter les informations que j'ai pu réunir, sans prétendre concurrencer les nombreux historiens, chercheurs ou auteurs, qui auraient tout de même pu en parler un peu plus.

 

 

Le siège de la forteresse de Maubeuge et des forts environnants a débuté le 29 Août 1914, pour terminer, le 7 Septembre, date de la rédition du dernier bataillon. 60.000 (65.000 peut-être) Allemands se sont lancés à l'assaut de 40.000 (ou 50.000 selon les sources !) soldats Français. 15.000 seront tués pendant les combats, 35.000 seront faits prisonniers et envoyés dans divers camps de détention en Allemagne [1.500 à Münster en Westphalie (fantassins, artilleurs et génie), d'autres à Friedrichsfeld en Westphalie, d'autres encore (les officiers) à Torgau en Saxe]. 

 

 

Il ne faut pas oublier, pour replacer ce combat dans le contexte du début de la guerre, que l'état-major français, n'avait pas envisagé (?!?), un assaut allemand par le Nord, ou l'avait minimisé ; l'essentiel de l'armée française était groupé en direction de la frontière Alsacienne,  si bien que la frontière du nord ne pouvait être défendue correctement, l'objectif était secondaire, et ce n'est que trop tard, que l'état-major français réalisa, plusieurs semaines après le début des hostilités, l'importance de l'avancée allemande. Il était déjà trop tard, et l'ordre de repli "stratégique" entérinait une grossière erreur tactique. La bataille des frontières (Alsace, Lorraine et Belgique) était déjà terminée, la guerre des tranchées prenait sa place.  Le Nord envahi allait se retrouver sous la tutelle Allemande et ne serait libéré qu'après les tout derniers combats, peu avant l'armistice.

 

 

Les camps retranchés de la frontière Nord, Maubeuge, Lille, (Tourcoing) et Dunkerque, étaient vieux, mals entretenus, et ne recevaient qu'un médiocre budget pour leur entretien ; la plupart d'entre eux n'avaient pas été modernisés depuis la précédente guerre, celle de 1870-1871.  Hors, alors que ces forts avaient été construits pour résister aux obus de l'époque, ils n'étaient, en aucun cas, adaptés aux armes modernes. Le secteur fortifié de Maubeuge comprenait la forteresse de Maubeuge, et ses six satellites, Le Bourdiau, Boussois, Cerfontaine, Hautmont, Leveau et les Sarts, ainsi que six autres positions intermédiaires : Bersillies, Feignies, Ferrière-la-petite, Grévaux, Héron-Fontaine et La Sallemagne, qui ne pouvaient abriter qu'une compagnie d'infanterie.

 

 

Présentation du camp retranché :

1er secteur : Général Peyrecave - Fort d'Hautmont, ouvrages de Feignies et de Grevaux (4 Bat. de territoriaux, 2 Cies du génie, 1 Bat. colonial en réserve)

2ème secteur : Colonel Guerardel - Fort du Bourdiau et ouvrage de Ferrière-la-Petite (3 Bat. de territoriaux, 1 Cie du génie, 1 Bat. colonial en réserve)

3ème secteur : Colonel de la Motte - Forts de Boussois et Cerfontaine, ouvrage de Rocq (5 Bat. et demi de territoriaux, 1 Cie du génie, 200 douaniers)

4 ème secteur : Général Ville - Fort des Sarts, ouvrages de La Salemagne et du Fagnet (6 Bat. de territoriaux, 2 Cies du génie, 300 douaniers)

5ème secteur (créé vers le 20 Août) : Colonel Cambier - Fort Leveau et ouvrage d'Héron-Fontaine (1 Bat. du dépôt du 145ème)

Réserve générale : 7 Bat. , 3 actifs et 4 de réserve ; 4 batteries montées de réserve de 75 ; 2 escadrons de réserve de chasseurs

Noyau central : 4 Cies des dépôts du 145e et du 345e de réserve, 1 Cie du génie

 

 

La mise en état de siège fut effectuée par le Général Fournier du 25 au 28 août ; le siège en lui-même débuta le 29 août pour se terminer le 8 Septembre (en fait, le 7 au soir), il se déroula en 3 phases : 

  1. du 29 août au 2 septembre : préparatifs d'attaque
  2. du 3 au 5 septembre : attaque
  3. du 6 au 8 septembre : chute et reddition

 

 

 

 

Un extrait de 

"HAUS-SPITAL, un parc à prisonniers près Münster-en-Westphalie" 

Sergent PIERRE, du 1er RIT et A. POTAGE du 145e RI

 

 

<<Cependant, il y eut un sujet sur lequel les prisonniers de Maubeuge ne tarissaient pas ; c'était l'histoire du siège de la forteresse, du rôle qu'ils avaient joué et des évènements auxquels ils avaient pris par. Quelques uns d'entre eux, placés dans des secteurs calmes, ne connaissaient rien de la lutte qui avait abouti à une capitulation et semblaient dénigrer l'importance des combats qui se déroulèrent sur tout le pourtour occidental et méridional de l'enceinte fortifiée. Chacun n'avait vu que la portion de terrain qu'il était chargé de défendre : l'un parlait de Boussois, de son fort, de ses tranchées ; les autres étaient à la Sallemagne, au fort des Sars, au Fagniez, aux tranchées d'Hellemmes : mais pendant un mois, ils avaient tous travaillé sans arrêt, de quatre heures du matin à six heures du soir, à perfectionner ou à créer les moyens de défense de la place, et l'on remarquait que les ouvrages fortifiés qui avaient le mieux résisté aux effets foudroyants de l'artillerie ennemie, étaient ceux où l'on n'avait pas employé d'ouvriers civils ; par contre, les batteries remarquablement défilées derrière le fort de Boussois, construites et masquées avec toutes les précautions voulues avaient été anéanties le premier jour du bombardement ; la veille encore, des civils y mettaient la dernière main et reprenaient, leur oeuvre achevée, la route de Jeumont, par où arrivaient les troupes ennemies. Il n'en était pas un, parmi les prisonniers qui ne connut une histoire d'espionnage ; on parlait de conversations téléphoniques, tenues pendant l'investissement entre l'ennemi et des espions, cachés à l'intérieur du camp retranché ; on racontait des arrestations sensationnelles. Les on-dit pouvaient prêter à des erreurs ; mais comment ne pas croire le jeune chasseur à cheval de Roubaix, qui, de deux coups de  carabine blessa grièvement le prince de Saxe-Meiningen et son ordonnance ; les deux blessés avaient été ramenés à l'hôpital de Maubeuge, et l'ordonnance avoua qu'il avait travaillé, avant la guerre, aux glaceries de Boussois.

 

 

Le 1er Septembre, une sortie fut faite par les troupes en plein midi ; la journée était resplendissante de soleil et de clarté, le terrain particulièrement découvert ; le but était de s'emparer des obusiers de 380 et de 420 qui déversaient leurs explosifs sur les forts et sur la ville. Dans Boussois, on vit défiler gaillardement le 145e d'infanterie ; un jeune sergent avait mis des gants neufs et portait une rose rouge à sa boutonnière. Le 1er territorial et le 31e colonial participaient à l'opération sur d'autres points de l'enceinte. Une fois sorties de la zone de protection des forts et des batteries, nos troupes furent arrêtées par un feu violent de mitrailleuses et d'artillerie et sans pouvoir deviner d'où les coups partaient : beaucoup tombèrent mortellement frappés ou blessés ; deux heures après le passage des jeunes du 145e, on apercevait dans la rue du village, des blessés qui revenaient du front avec des pansements de fortune, se dirigeant vers les hôpitaux de Maubeuge ; puis les troupes rentraient, et les Allemands, allongeant leur tir, commençaient à bombarder le village de Boussois : leurs coups suivaient la retraite des nôtres avec une telle précision qu'on en était tout ébahi. Où donc ces Allemands étaient-ils placés pour tout voir ? L'explication ne tarda pas à nous être donnée. Les compagnies du 4e bataillon du 1er territorial avaient reçu l'ordre de se poster dans les rues et dans les maisons du village pour arrêter l'attaque possible de l'infanterie ennemie. Autour de la place, où se trouvait le poste du commandant, étaient réunis les soldats de garde, l'état-major du bataillon, les mitrailleurs et plusieurs sections de compagnes (campagnes ?). Tout à coup des soldats de la 3e section de la 16e compagnie, virent sortir d'une maison, un, deux, puis trois pigeons voyageurs qui, après quelques hésitations, prirent leur vol dans la direction des lignes ennemies. Or, chacun le sait, le vol de pigeons en temps de guerre est prohibé ; les détenteurs de pigeons voyageurs doivent les sacrifier ou les remettre à l'autorité militaire. On tire quelques coups de fusil ; mais à balle et sur un pigeon, c'est de la haute fantaisie ; on fait mieux : on pénètre dans la maison et on y découvre trois civils, qu'un lieutenant conduit immédiatement au poste du commandant. Dix minutes après le départ du premier pigeon, au moment même où les trois civils étaient interrogés sur l'étrangeté non de leur présence dans le village (on n'avait pas fait évacuer tout le monde), mais de l'existence de pigeons dans leur maison, un obus frappe le mur de la maison  voisine de celle du commandant ; le toit vole en éclats et retombe en poussière et en débris de tuiles sur les troupes. Plusieurs soldats sont blessés ; les autres, furieux, crient à l'espion et veulent faire une justice sommaire.

 

 

En 1914, les tranchées sont construites d'après les principes de la théorie ; pas de boyaux d'accès, pas de crénaux, pas de postes d'écoutes ; elles sont trop larges et la sortie en est dangereuse, pendant le jour. Chaque fois qu'un bombardement  s'intensifiait, on se mettait au parapet, le fusil en main ; et les premières rafales nous apprirent, à nos dépens, quelque expérience. A ceux qui doutaient du danger auquel avaient été exposées les troupes de ces tranchées, les témoins oculaires ne manquaient pas de narrer quelques souvenirs. Comme personne ne s'est préoccupé de porter à la connaissance du public certains de ces faits, tout à l'honneur des défenseurs de Maubeuge, que l'on insulte souvent de noms d'animaux, tels <<lièvres ou lapins>>, il nous a paru bon de les recueillir de la bouche même de ceux qui en furent les spectateurs.

 

 

Dans une tranchée en forme de trapèze, deux côtés sont naturellement perpendiculaires à la direction de l'ennemi ; par suite de la chaleur accablante des abris en tôle ondulée, les hommes de garde se sont étendus au grand air sur les banquettes de terre : rien d'anormal n'est signalé quand une  brusque détonation secoue l'air ; un obus à shrapnells éclate au milieu d'un groupe ; quelques cris ; on se précipite vers les abris, mais on en voit qui ne peuvent remuer ; le plus touché nous déclara qu'il avait une plaie de la largeur d'un beefsteak ; d'autres avaient reçu plusieurs éclats, mais le coup était superficiel. Dans les abris, on percevait que le bombardement s'aggravait ; dans la crainte que le parapet ne cédât, un officier donna l'ordre de sortir de la tranchée et de s'abriter derrière les bâtiments d'une ferme voisine ; mais il fallait s'en aller par ordre et lentement. Ce mouvement en masse pouvait d'autant moins échaper aux Allemands que la sortie s'effectuait sur un glacis par un escalier de terre de trois à quatre marches. Un par un, gênés par leur sac et leur fusil, énervés par le tir d'artillerie, les soldats grimpent hors de la tranchée, et naïvement, militairement, se forment par sections. Repérés, ils sont atteints par quelques obus ; un caporal est tué, d'autres hommes sont blessés ou frappés de commotion cérébrale ; les hommes s'égaillent et rentrent dans le village à l'abri des rues et des maisons et retrouent des camarades d'autres tranchées que la violence du bombardement a refoulés dans le village de Boussois. Heureusement, l'obscurité s'annonce. Des ordres se croisent ; il faut occuper les maisons, défendre le village jusqu'à la mort. L'affolement n'est pas encore calmé qu'un capitaine eut un geste qui sut ramener la confiance. Une charette traversait les rangs, portant des morts que l'on conduisait à Maubeuge. D'une voix forte, le capitaine cria :<<Mes amis, hommage à vos camarades ! Garde à vous ! Présentez armes !>> Et tous les affolés, tous les indécis, au commendement, rectifièrent la position et présentèrent les armes. Une demi-heure après, toutes les tranchées étaient réoccupées : une patrouille de sous-officiers, tous volontaires, avait reconnu le terrain.

 

 

Pendant cette patrouille, un groupe de territoriaux était, l'arme au pied, dans une cour de maison dont les fenêtres, au rez-de -chaussée et au premier étage, étaient garnies de soldats ; dans un coin de la cour, sur un feu presque éteint, une lessiveuse qui semblait recéler quelque mystère ; l'un des factionnaires souleva le couvercle, et d'un coup de cuiller à pot, ramena une superbe poule qui avait cuit au milieu des choux, des navets et des carottes ; le cuisinier avait sans doute oublié d'emporter sa marmite. A la guerre comme à la guerre ; l'un empoigne une aile, son camarade empoigne l'autre, un troisième saisit le pilon, un quatrième l'imite, et l'animal est bientôt partagé sans difficultés. Après la viande, les légumes ; et la poule au pot du bon roi Henri est consommée.

 

 

Les récits qui retenaient le plus l'attention étaient ceux des camarades qui, jusque dans la soirée du 5 Septembre, tinrent les tranchées sous un bombardement plus précis que les précédents, et ne les abandonnèrent que sur l'ordre apporté par un volontaire. Toute la matinée, ils avaient eu des engagements avec les avant-gardes ennemies, et plus d'un avait eu la satisfaction de vor, de tirer et d'abattre quelques éclaireurs. Les Allemands ne voulant pas engager le combat de près, firent replier leur infanterie, rapprochèrent leurs pièces d'artillerie et bombardèrent à courte distance. Les premiers obus firent des victimes dans l'une de ces tranchées, qui, à la suite d'ordres mal compris, n'avait plus que soixante hommes commandés par un lieutenant. Entassés sous un abri couvert de quelques poutrelles de fer, entourés de camarades qui perdaient abondamment de sang par de larges blessures au ventre et aux cuisses, dans la poussière et dans la chaleur, ils attendaient, sous le sifflement continu des shrapnells, l'arrivée d'un de ces gros obus, dont quelques uns avaient déjà éclaté autour d'eux. Le lieutenant, très crâne et très calme : <<Mes amis, disait-il, nous avons l'ordre de rester ici ; nous resterons jusqu'au bout>>. Et malgré certains conseils, il soutint, par son sang-froid, les défaillants. L'un de nos camarades, blessé à l'omoplate, voulait, malgré le bombardement, évacuer ; le lieutenant l'autorisa à tenter l'aventure et le fit accompagner par un de ses parents. Une demi-heure après, l'ordre arrivait de se replier. Le camarade blessé avait renseigné les officiers qui se trouvaient sur la deuxième position, et un volontaire s'était immédiatement offert pour aller prévenir ses camarades. Il partit en courant ; de temps en temps, quand les rafales d'artillerie étaient trop violentes, il s'abritait derrière un mur, puis reprenant son courage et son élan, il faisait un nouveau bond en avant. A la dernière maison avant la tranchée, le bombardement était encore plus intense ; collé les bras en croix contre un mur, il attendit une éclaircie ; comme elle ne venait pas, il se précipité de toute la vitesse de ses jambes, et sain et sauf, il sauta dans la tranchée. Et les Roubaisiens purent se vanter de compter parmi leurs compatriotes, un brave de plus.

 

 

Et d'entendre tous ces récits, de grouper tous les renseignements, de voir d'ensemble ce que l'on ne connaissait que par petits détails, on se prenait à conclure que la forteresse de Maubeuge avait, en Septembre 1914, résisté plus longtemps que toute autre place, même mieux fortifiée qu'elle, et que ses défenseurs avaient tenu au mieux de leurs faibles moyens.>>

 

 

 

 

Vous trouverez également une description partielle des combats ayant eu lieu à Maubeuge, Recquignies, Boussois, Marpent et Rocq entre le 26 Août et le 6 Septembre 1914 sur le site suivant :

http://bdubus.multimania.com/journal14/campagne.htm

 

 

Un rapide point de vue Allemand sur l'organisation des combats :

http://perso.club-internet.fr/batmarn1/guisevk.htm

 

 

Le combat qui a eu lieu à Elesmes

http://elesmes.multimania.com/histoire.htm